Depuis la création de Gymglish il y a 19 ans, nous avons observé avec attention le marché, les tendances et promesses du e-learning, ou des EdTech comme on les appelle aujourd’hui.
Deux décennies d’innovation ont apporté une profusion de nouveaux outils, formats, technologies et contenus pour l’éducation en ligne. Quel est l’impact de ces innovations sur notre éducation ? Le e-learning des années 2000 a-t-il tenu ses promesses ? Retour sur 20 ans d’innovation et d’expérimentation.
Le e-learning des années 2000
Comme l’apparition de l’imprimerie au XVe siècle, l’arrivée d’Internet à l’aube du XXIe siècle fait naître de nombreux espoirs en matière d’accès à l’éducation et annonce une révolution dans la diffusion des savoirs. Dès 2003, alors que nous travaillons à la création de notre entreprise de cours d’anglais en ligne, l’offre e-learning est déjà abondante. Les CD-ROM éducatifs, ‘plateformes’ de e-learning et autres sites Web de ressources pédagogiques sont déjà nombreux et très riches en ressources multimédia. Dans le segment de l’apprentissage des langues, les cours par téléphone et outils de reconnaissance vocale font beaucoup parler d’eux. Enfin, le simple PDF en ligne est lui aussi très présent et notamment apprécié par le milieu académique.
En abolissant les frontières et en réduisant les coûts d’accès, le e-learning nous promet la démocratisation de l’apprentissage et une éducation enfin accessible à tous, du moins pour tous ceux munis d’une connexion Internet. En France et s’agissant de formation professionnelle, c’est dans ce contexte qu’est mis en place en 2005 le DIF (Droit Individuel à la formation), maintenant remplacé par le CPF. Les entreprises françaises, déjà contraintes de dépenser un budget dédié à la formation professionnelle, doivent désormais veiller à ce que ce budget soit attribué de façon équitable à tous les salariés de l’entreprise, à hauteur de 20 heures de formation annuelles par personne. Cette disposition favorisera le e-learning et sa promesse de démocratisation de la formation.
93% des utilisateurs abandonnent la plateforme moins d’un mois après leur première connexion
Si les ressources pédagogiques en ligne sont déjà abondantes au début du siècle, elles ne sont pas pour autant utilisées. En 2004, un grand groupe ayant déployé une plateforme de e-learning en langues nous confie que 93% des utilisateurs abandonnent la plateforme moins d’un mois après leur première connexion. La plateforme est aboutie techniquement, dispose de contenus multimédia et est exhaustive avec des ateliers pédagogiques pour apprenants de tous niveaux. Pourtant, elle est désertée par l’immense majorité des salariés. L’apprentissage n’a globalement pas lieu et les investissements e-learning sont ressentis comme perdus par le groupe. C’est devant ce constat de manque d’apprentissage, et non de manque de ressources pour apprendre, que nous créons Gymglish en 2004 avec un objectif : la motivation, l’assiduité et les progrès de nos ‘e-learners’.
Les “EdTech” en 2023
Presque 20 ans plus tard, est apparue une profusion de nouveaux outils et de contenus : les podcasts, YouTube et le fort développement des vidéos en général, les MOOCs, les applications mobiles bien sûr, sans oublier les LMS (Learning Management System) en entreprise, les Serious games, la VR (Virtual Reality), le Peer-to-peer learning soit l’apprentissage grâce à des pairs en réseau, le micro-learning… les mots buzz ne manquent pas. Les nouvelles entreprises, technologies, contenus et plateformes EdTech se multiplient. Dans l’apprentissage de l’anglais notamment, il ne se passe pas une semaine sans voir apparaître un nouveau confrère, une nouvelle app, un nouveau site, gratuit ou payant. Les ressources pédagogiques sont plus abondantes qu’en 2003, disponibles sur des supports et média encore plus diversifiés et elles sont désormais accessibles à tous ceux qui disposent d’un smartphone. En 2023, il semble qu’il n’y ait plus aucun sujet qu’on ne puisse apprendre en ligne. Pour établir un parallèle avec le « monde hors ligne », c’est comme si tout le monde disposait désormais d’une bibliothèque en bas de chez lui, ouverte 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, exhaustive et souvent gratuite.
Pour autant, avoir une bibliothèque en bas de chez soi ne signifie pas qu’on va apprendre quoi que ce soit. Encore faut-il s’y rendre, régulièrement, trouver les bons ouvrages, les lire, probablement les relire pour apprendre, mémoriser, progresser, etc. Comme en 2003, la disponibilité des ressources pour apprendre ne se traduit pas par des expériences d’apprentissage réussies. Les MOOCs par exemple, qui ont fait couler beaucoup d’encre dans les années 2010, connaissent des taux de validation très bas : seulement 5 à 10 %* des étudiants inscrits vont jusqu’au bout de leur formation, et ceux qui les valident sont généralement déjà hautement qualifiés. Dans les entreprises, les LMS sont omniprésents et plus riches en ressources que jamais, mais toujours aussi désertés par le plus grand nombre des salariés.
Seulement 5 à 10 % des étudiants inscrits vont jusqu’au bout de leur formation, et ceux qui les valident sont généralement déjà hautement qualifiés
Seule une petite élite mondiale semble donc exploiter l’innovation e-learning : les étudiants déjà “bien éduqués”. Coursera ou Udacity par exemple, et leurs nombreux MOOCs, peinent à se développer au-delà de leurs premiers publics d’ingénieurs étudiant la programmation. Les retours d’expérience réussis en e-learning mentionnés dans la presse proviennent le plus souvent d’universités prestigieuses, de grandes écoles ou de cadres supérieurs et dirigeants de grands groupes. Il semble que ces deux décennies d’innovation en EdTech n’aient pour l’instant profité qu’à une poignée mondiale de ‘premiers de la classe’ – ceux qui n’étaient pas en marge du système éducatif en 2000, et qui n’avaient déjà pas réellement de difficulté à apprendre avec le bon vieux PDF en ligne.
Au-delà de cette petite élite d’étudiants brillants, et pour des publics qui souhaitent par exemple apprendre l’anglais pour trouver un meilleur emploi, ou se perfectionner en orthographe pour éviter la discrimination à l’embauche, les retours d’expériences réussies sont moins nombreux. Non pas parce que les ressources manquent, mais parce que la participation et donc les progrès sont rarement au rendez-vous.
Certains économistes ou sociologues le confirment. Si les inégalités de richesses (monétaires) se sont creusées depuis plusieurs décennies, les inégalités culturelles et éducatives se seraient creusées davantage encore. Inquiétant, notre cercle vicieux serait plus vicieux encore. L’éducation, pourtant vecteur reconnu de réduction des inégalités, ne remplit pas son rôle, même à l’heure du e-learning et de ses nombreuses innovations.
Les enjeux e-learning en 2023
Comment transformer la prolifique innovation EdTech en une meilleure éducation, réellement accessible à tous, qui fait apprendre et progresser ?
Chez Gymglish pour nos cours de langues, nous travaillons depuis 15 ans sur notre recette, un mélange de technologies et de contenus : micro-learning (sessions quotidiennes de 10-15 minutes) en push sur Web ou mobiles ; adaptive learning (personnalisation dynamique de la pédagogie et révisions pour la mémorisation) ; spaced learning (ou répétition espacée) ; mais aussi des contenus scénarisés, culturels, humoristiques et décalés pour stimuler la motivation et donc l’assiduité. Nous mettons un point d’honneur à créer des contenus allant au-delà de leur seul intérêt pédagogique, et de les associer avec une technologie performante. Cette recette n’est pas la seule et elle ne fonctionne pas pour tous. Mais avec plus de 5 millions d’utilisateurs en 15 ans, nous enregistrons en moyenne 80 % d’assiduité sur des fenêtres de formations longues, 9 mois en entreprise, 18 mois pour les particuliers.
Outre la recette Gymglish, nous pensons que les méthodes “hybrides” (blended learning) sont très efficaces : compléter l’expérience en ligne par un tuteur ou un coach comme le fait par exemple OpenClassrooms ; chercher à reproduire une dynamique collective derrière l’écran, avec des séances de “retrouvailles” entre les sessions en ligne avec pairs, experts et professeurs, comme le fait par exemple altMBA aux Etats-Unis. Le concept de classe inversée (flipped classroom) confie ainsi au e-learning l’acquisition de connaissances, et dédie le temps en présence du professeur (le plus précieux) aux échanges, à l’approfondissement, au dialogue. Concernant les formats et étant donné le fort développement du smartphone, renforcer la dimension courte, ludique et divertissante des contenus nous paraît essentiel.
D’après notre expérience, il est urgent d’accorder un peu plus d’importance à l’expérience utilisateur, c’est à dire à l’utilisateur lui-même. Et peut-être un peu moins d’importance à l’exhaustivité des ressources ou à la sophistication technologique qui fondent les dispositifs de formation. L’utilisateur a un emploi du temps chargé et n’est pas toujours discipliné. Enfant comme adulte, il ne reste pas concentré très longtemps devant son écran, a fortiori devant un contenu éducatif sur un petit écran de téléphone. L’apprenant est de plus peu enclin à répéter ses efforts d’apprentissage régulièrement et dans la durée, ce qui est pourtant indispensable non seulement pour apprendre, mais aussi pour mémoriser les acquis. Internet, l’innovation technologique, l’intelligence artificielle, les nouveaux formats sont de magnifiques atouts et nous avons fait de grands progrès pour les exploiter. Mais l’existence de ressources et technologies ne suffit pas.
Accorder plus d’importance à l’utilisateur, c’est se souvenir que cet utilisateur est humain, qu’il n’a pas toujours les capacités d’apprentissage d’un étudiant de Stanford ou d’HEC, et qu’il lui est souvent douloureux d’apprendre, en ligne comme hors ligne. Avec ce nouveau focus sur cet utilisateur très humain et donc très imparfait, l’innovation dispose d’un potentiel énorme pour ouvrir l’éducation et faire inverser les courbes des inégalités. Alors serons-nous heureux d’avoir contribué, à notre modeste échelle, à la démocratisation de l’éducation que le e-learning nous promet depuis le début du siècle.
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